dimanche 28 septembre 2014

Le colis de mon réveil Chapitre 1, par La Manna

Vendredi matin, le soleil du mois d'octobre brille de peine et de misère sous l'épais duvet de brouillard inondant mon terrain en veille de dormance. L'automne s'installe au gré de ses couleurs chaudes qui compensent pour le froid. Ce froid qui gagne graduellement du terrain sur la chaleur de l'été écoulé. 

Mais j'aime cette saison avec ses couleurs de cuivre et de jaune qui parent à chaque année l'érable centenaire au fond de ma cours. La vie, en cet octobre amorcé, court au ralenti et nous amène au calme qui se dégage de ce temps grandissant en apnée du soleil. 

J'ai pris congé et je ne regrette en rien de m'être offert ce jour... un jour à moi, un jour où le temps ne serait pas à la presse. Tout le contraire avec la vie au bureau. Les demandes surpassaient les ressources peu nombreuses de la boîte où je bosse, ajoutant une pression supplémentaire au stress de la performance. Bref, aujourd'hui devrait être une journée où mon seul soucis devrait être de ne pas en avoir!

Le fumet de mon café chaud titillait mon nez et m'invitait à le boire, je dirais plus... à le déguster. Prendre mon temps! Je me cale dans mon fauteuil et syntonise la chaîne de nouvelles en continues afin de voir ce qui se passe autour de nous. L'animateur crache des informations comme si tout ce qu'il avait à annoncer lui pesait sur la conscience tant le bref survol du monde était noir d'espoirs perdus.

Je feins l'indifférence et change de chaîne à la recherche de contenu un peu plus guai! Sport, cuisine, et faits divers se succèdent au gré du n'importe quoi m'hypnotisant dans mon silence de cette journée encore toute neuve et pleine de promesses. Saoulé par tant de vide, je décide de me déraidir les jambes et d'aller jeter un coup d’œil à la fenêtre en quête d'occupations à venir. Un coup de râteau pour ramasser les feuilles mortes, cueillir les dernières offrandes de mon jardin, etc... Le manque de motivation gagne sur le gage de la nécessité et me conduit en réflexion vers la promesse de le faire un jour plus tard!

Le soleil ayant gagné en altitude, le frais du matin s'est exilé peu à peu. Je décide donc d'aller m’asseoir sur le porche de ma maison et de regarder la roue qui tourne dans mon patelin. La routine du quotidien est si belle à regarder lorsque l'on peut faire un pas de côté et s'y soustraire le temps d'un souffle. Les livreurs en sauveurs font don de leur ravitaillement aux commerces nécessiteux, les travailleurs, en file indienne, coordonnent leurs mouvements afin de bien engorger le réseau routier, les autobus scolaires jouant du coude pour soutirer quelques places et ainsi éviter le retard des écoliers facebookés. Je souris de mon sursis en les voyant crispés par la vitesse à laquelle la vie nous contraint! 

Je file le parfait bonheur! Fait anodin mais pourtant divertissant, un camion poste tourne le coin de la rue. Rares sont ceux qui s'aventurent ici et sa présence mérite que je m'y attarde. Il semble hésiter et cherche du regard l'adresse de sa destination. Dans le soudain de l'improbable, nos regards se croisent et il finalise sa course vers l'adresse de ma demeure. La confusion dansant en ballerine dans la réflexion d'une recherche dans ma mémoire, je ne me souviens pas avoir commandé quoi que ce soit...

L'appréhension et l'excitation en mélange d'émotions, je divague dans l'attente de savoir quel serait le fruit de cette livraison mystérieuse... Le camion se gare dans mon entrée et me salue en hochant timidement du bonnet. 

— M. Fraser? Vous êtes bien M. Fraser? J'ai un colis pour vous.

— C'est bien moi, mais il doit y avoir une erreur, je n'ai rien commandé...

—Pourtant mon devis est clair, M. Fraser au 56 rue de l'orme. Je vais toutefois vous demander votre aide si vous voulez bien... Disons que le colis se laisser porter!

Je me dirige vers le livreur qui ouvre d'un geste franc la porte arrière de son camion. Une malle de bois, de cuir lesté, se révèle à moi. J'aide le commis à se libérer de sa quête et la poser sur le plancher de mon salon. Signant d'un œil distrait le bon de livraison, je cherche à comprendre l'origine de cet envoi et renvoie le livreur du signe de la main.

Silence dans l'immobilité qui m'habite, je scrute sans broncher l'intrus qui a fait irruption dans ma journée qui se voulait plus que parfaite. Cherchant à comprendre le secret de son origine, je relis le devis à la recherche d'un indice quant à l'expéditeur. La déception se lit tant sur le bout de papier que sur mon visage... Rien n'y figure... 

Soudain, la sonnerie du téléphone hurle sa détresse et appelle à ce que j'y répondre.

—Le colis est arrivé M. Fraser???

—Qui êtes-vous? Et c'est quoi cette malle?

—Donc elle est déjà chez vous! Tant mieux. Bonne chance M. Fraser...bonne chance!

Le son de la ligne qui vient de se couper habite mon air débité qui fait face à l'inusité de la situation...