vendredi 31 octobre 2014

Plan B, Chapitre 13 par Frédéric

Van Helsing soupire en toisant son bouc grisonnant.

« -Je vois, tu ne sembles pas au courant de grand-chose de cette histoire.  Alors écoute-moi bien sans m'interrompre, je te dresse le topo. Draco c'est le comte Dracula revenu des enfers, me demande pas comment je le sais ni où je l'ai connu, l'histoire fut un enchevêtrement sanglant. Là, il est prêt pour la pleine lune de ce soir parce qu'il a tout le matos pour sa cérémonie.

Pccchhhuuuttttttt, ne parle pas ! Écoute !
Draco était à la poursuite du coffre dans lequel tu te trouvais et connaissant le coffre, il a dû avoir du mal à réussir sa capture, mais le voilà. Dit-il en caressant le coffre avec un regard malicieux. Ce coffre si tu l'ouvre avec la mauvaise clé, il déclenche l'apocalypse, pas celui de la bible, le vrai, capable de plonger le monde en son entier dans les enfers les plus sombres. Cette clé il semble bien que ce soit toi, tu appartiens au coffre comme le coffre t'appartient, Armand, petit humain.

Nous sommes en route pour l'Esperanza à l'heure qu'il est, c'est là que Draco devrait retrouver les tablettes magiques qui lui permettront d'opéré sa transformation. Il désire depuis longtemps devenir plus qu'humain revenu d'entre les morts, il veut un transhumanisme qui fera de lui un sur humain.

Il a besoin du coffre, de toi qui est la clé du coffre et des tablettes de l'Esperanza, par contre les trois petites vieilles...Peut être emmène-t-il des provisions pour un dernier repas sur le pouce en attendant minuit et la pleine lune à son zénith ?

- Eh ! Oh ! T'es en train de me dire que ton pote va manger ma mère et ses copines comme un vulgaire casse-croûte ?

- Ouais, il va sans doute leurs sucer le sang dans la soirée, pourquoi ?

- Je vais le défoncer lui !!! Je vais lui faire la peau !! S’excita Alphonse en se secouant la tête d'avant en arrière comme si il imitait un fou à la recherche de sa moitié dans sa tête.

-Doucement petit, pour l'instant elles ne risquent rien, il est au volant concentrer sur sa conduite et Dieu sait qu'elles autres idées peuvent lui traversées l'esprit sur le moment. Quoiqu'il en soit tu n'as aucune chance de faire quoi que ce soit. On va faire équipe l'ami.

-Oui mais tu as un plan ?


-J'y travaille, je n'ai pas encore tous les éléments en main, il nous faut attendre le moment propice. »

mercredi 22 octobre 2014

Sais-tu qui tu es, Chapitre 12 par Dame Laurence

Le coffre est ouvert. Van Helsing n’a eu aucun mal à convaincre Draco d’ouvrir la malle. Le gamin n’aurait pas tenu plus longtemps enfermé dans la malle avec toutes les protections magiques qui abondent. Il aurait fini par exploser et ça aurait fait tache. Il a vraiment l’intention de l’utiliser ce pauvre mortel. Belle offrande que voilà ! Un bougre d’imbécile tout de même que cet Alphonse ! C’est pas Dieu possible autrement pour finir sa journée sur l’autel des sacrifices ! Quelle poisse !

La fatigue des longs siècles passés, l’amertume d’avoir raté l’occasion d’en finir depuis longtemps avec ce damné de Transylvanie décourage un moment Helsing. La fourgonnette empeste les relents diaboliques mêlés à celle d’une transpiration abondante, sueur d’effroi et d’épouvante légitime. Le vampire séculaire a repris le volant, les succubes  se chamaillent le droit d’être à son côté. Van Helsing regarde le jeune homme dont les yeux affolés considèrent le trio des succubes à l’avant. Une formulation muette se forme sur ses lèvres : «  Maman ? » comprend-t-il, mais il n’ose pas plus, bien conscient de vivre un cauchemar éveillé.

    T’en fais pas petit, je vais te sortir de là !

Je dévisage le vieux qui se présente à moi : « Van Helsing, me dit-il d’une voix posée et sûre d’elle. » C’est quoi ce nom de héros fatigué ? Ça me rappelle vaguement quelque chose mais j’ai beau cherché pas moyen de savoir où j’ai déjà entendu ce nom.

Me sortir de là ? Il rêve éveillé le vioque ! Je vais crever, oui ! Et sans rien comprendre à cette histoire dans laquelle je me trouve mêlé bien malgré moi ! Je n’ai plus aucun doute, je vis mes dernières heures dans une camionnette qui file à bonne allure vers une destination pour le moins nébuleuse mais néanmoins récurrente. J’ai l’impression de ne rien entendre d’autre depuis ce matin que cet « Esperanza » de malheur ! Je suis mort de trouille, j’ai mal partout, comme si l’on m’avait roué de coup tant mes muscles sont tendus à l’extrême. Mes yeux reviennent sans cesse sur le conducteur et ses passagères. Celui-ci dégage une aura de confiance qui me terrorise. Le seul regard qu’il m’a lancé, une fois le coffre ouvert reste gravé dans ma tête. Un regard de convoitise dont je ne veux surtout pas comprendre le sens. Je nage en plein film d’horreur.

Van Helsing, affable, me tend une cigarette bienvenue. Malgré mes liens, je m’en empare avec avidité. Une première bouffée salvatrice et réconfortante allège un instant la terreur qui m’habite.

« Ecoute petit, il ne nous reste pas beaucoup de temps. Alors pas de panique, hein ? Tu vas gentiment me laisser faire et ne pas broncher, OK ? J’ai ici tout ce qu’il faut pour parer au plus presser.»

Discrètement il ouvre le revers de son long manteau d’où surgit un attirail digne de films de série Z, où tous les gadgets que l’on préconise pour faire face aux vampires sont rassemblés. Plus rien ne m’étonne cela dit, vous comprenez aisément pourquoi, non ?

J’ai toutefois une moue incrédule à la vue du CD.

    Vous vous foutez de moi, là ? je réplique en le désignant d’un geste malhabile.
    Du tout ! Tu n’imagines pas le service que cette fille nous a rendu le jour où elle s’est mise à chanter. C’est mon arme ultime, je t’assure ! dit-il avec le plus grand sérieux.

La fourgonnette est suffisamment bruyante pour que nous puissions converser en toute discrétion, d’autant que les trois vieilles chantonnent une rengaine agaçante qui semble les ravir. Même Hubert, réjoui de les entendre, dodeline de la tête en cadence. « Enfin libéré ! Enfin libéré ! Enfin libéré !...» scandent-t-elles avec jubilation.

J’ai envie d’une autre cigarette mais je ne veux pas interrompre les réflexions dans lesquelles le vieil homme est plongé. Ça cogite dur, on dirait. Un court instant je me surprends à espérer que tout n’est peut-être pas encore joué.

    Dis-moi, sais-tu comment le coffre a été ouvert ? demande le vieux au bout d’un moment.

Par le menu je lui raconte tout depuis le début, comment en cette heureuse matinée de congé je me suis retrouvé avec ce maudit coffre sur les bras, le coup de téléphone qui a suivi, et cette voix inconnue qui me souhaitait bonne chance, la sortie au parc, les vieilles biques et la première clé et ma mère qui n’est pas ma mère et le retour au parc et la découverte de la deuxième clé qui ouvre sa maison, la musique et le grattement sinistre, et mon courage pour ouvrir cette malle et mon kidnapping ...

J’ai la gorge sèche, j’ai tout déballé avec précipitation de peur de ne pas en avoir le temps, je me dis que si je raconte tout, je vais me réveiller, enfin !

    Voilà qui est intéressant ! s’exclame Helsing, un éclair de vivacité dans les yeux.
    Quoi ? Qu’est ce qui est intéressant ? je demande.
    Le coup de téléphone reçu après la réception du colis… répond-t-il en réfléchissant. Et tu dis que tu as ouvert le coffre juste avec une pince à décoffrer ?
    Euh, oui…
    J’en ai vu des choses dans ma vie, crois-moi, mais là, ce n’est pas banal, non vraiment pas banal…
    Quoi ? je répète, Soyez plus clair à la fin, je  ne comprends rien à ce que vous me dites !
Un sourire bizarre s’affiche sur ses lèvres. Un sourire un peu surpris et soulagé en même temps.
    Sais-tu qui tu es mon garçon ?



dimanche 19 octobre 2014

De malle en pis, Chapitre 11 par Darklulu

 La piste, obtenue grâce à une employée de la poste désabusée et bavarde, est ténue. Si ténue, même, qu’elle ne mérite pas le nom de piste. Pourtant elle l’a mené là. Ici et maintenant.

Les montagnes des Carpates sont un lointain souvenir. Les caves de Budapest : oubliées depuis longtemps. Les bas-fonds de la Nouvelle-Orléans : un détail dans son histoire. Son destin, il allait l’affronter dans un bled paumé au milieu de nulle part. Franchement, le chef décorateur aurait pu faire un effort. Plus qu’à espérer que quand ils feront un film de cette histoire, ils soient plus inspirés…

Pendant qu’il faisait la queue à la Poste pour toucher sa retraite, la fille de l’accueil avait parlé d’un coffre reçu par un client qui n’en voulait pas.

« Les gens commandent n’importe quoi sur internet, et après, c’est nous qui essuyons les plâtres. Quoi ? Monsieur, vous voyez bien que je suis occupée, là, non ? Vos timbres ne vont pas s’envoler si vous attendez 5 minutes, si ? C’est pour votre retraite. Ben c’est pareil. Elle est au chaud, et elle craint moins ici que dans votre poche. Ah, le service public ! Autrefois, les gens avaient du respect pour nous, et maintenant… Une malle ! Quelle idée d’aller commander une malle. Un site chinois, ça, j’en suis, sûre ! Une arnaque, le pauvre gars à dû voir son compte virer par un pirate à Tokyo. Ah bon ? Tokyo c’est au japon ? Enfin, c’est asiatique pareil, hein. Tout ça c’est bonnet blanc et blanc bonnet… »

Son grand âge lui permet d’avoir du recul sur les situations qu’il rencontre, et les actes qu’il est amené à commettre. Et l’avait empêché d’étrangler la postière juste pour interrompre son verbiage incessant. Mais ça avait été de justesse. Il se fait vieux, et sa patience a des limites bien mieux définies qu’autrefois.

Mais cette fois, c’est l’acte final. La scène qui verrait le rideau tomber définitivement sur la vie qui ne voulait pas finir de Van Helsing. Plusieurs vies d’hommes pour chasser un démon, un non-mort qui s’abreuve des vivants. Il en a plus qu’assez. Son temps est révolu depuis longtemps, et sa place est entre les lignes des livres d’Histoire.

Mais il lui reste une dernière chose à faire. La seule qui puisse lui apporter le repos. Et, accessoirement, l’absolution de l’éternité. Il se maudit de ne l’avoir pas fait plus tôt. Sa miséricorde est devenue sa damnation. Il aurait pu en finir il y a des années. Mais son bras vengeur était resté suspendu, le pieu à quelques centimètres du cœur du mal. Incapable qu’il avait été d’aller plus loin.

Sur le moment, le coffre avait paru une bonne idée. Les protections adéquates, les mécaniques et les magiques, la bénédiction du Vatican. Enfin tout l’attirail à même de maintenir un vampire dans une malle jusqu’à la fin des temps. Katrina avait fait bien plus de dégâts que ne le croyaient la plupart des mortels. Si l’ouragan avait enfermée dans le bayou bien des secrets, il en avait déterré un. Le pire de tous.

Et là-dessus, le drame de l’Esperanza, et ce qu’il avait déclenché.

Il n’y avait plus qu’un seul espoir. Deux en faits se corrige-t-il mentalement.
Soit le coffre n’a pas encore été ouvert. Soit il l’a été avec la clé Unique sur laquelle il est inscrit « cette clé scella bien des destins. Ouvre la porte et libère-les »

Van Helsing l’avait conçue comme l’ultime rempart. Si le coffre est ouvert avec cette clé, ce qui se passerait alors ferait passer l’apocalypse pour une brise d’été. Si seulement il l’avait conservée au lieu de la détruire… vu l’état du bordel mondial, une remise à zéro était peut-être la solution. A croire que l’autre là-haut a pris des vacances pour une durée indéterminée. Enfin, cela ne sera bientôt plus son problème.

Dans sa poche, quelque chose vibre. Il sort son téléphone, un Iphone 5S 16 Mo, édition limitée presbytère. Pas d’appel, pas de SMS. Il sort son crucifix, un avé Pater 3G avec 32 Mo d’eau bénite et 48 heures d’autonomie en prière, et aussitôt, ce dernier pointe en direction d’un véhicule stationné sur le bas côté de la route. C’est une fourgonnette. Autour d’elle, s’agitent 3 dames d’un certain âge, mais leurs attitudes déclenchent chez lui des signaux d’alerte.

Des succubes !

Merde ! Qu’est ce qu’il me fait le père Draco, là ? Il recrute à la maison du repos du vieux gland ou quoi ? J’aurais dû me douter que le jeunot qui y anime les soirées était dans le coup !

Mode furtif activé. Passage en revue de l’inventaire.
Épée de jets d'ail . Check !
Gourde d’eau Bénite. Check !
Crucifix ninja. Check !
Lampe à UV. Check !
Bible 2.0 build 666. Check !
CD de Céline Dion. Check !

Il se rapproche comme si de rien n’était, mêlé à la foule, quidam comme un autre. Il est maintenant assez proche pour entendre ce qui se dit.

  • Hubert ! C’est qui ce Hubert, hein, c’est qui lui ! Maman ? Maman, tu es là.
La voix est étouffée. Pas seulement parce qu’elle vient de l’intérieur de la camionnette. Il semble il y avoir une couche supplémentaire. Comme si elle provenait de l’intérieur d’un… coffre en bois.

Aïe ! Ca pue, ça !

  • Chut Alphonse, reste calme, sinon je demande à Hubert de s’occuper de te faire taire, tu m’as compris mon garçon ?
Van Helsing a de moins en moins de doute sur la véritable identité de cet Hubert. En fait c’est une identité d’emprunt que prenait souvent Dracula à l’époque, comme un clin d’œil à son ennemi juré. Hanz-Hubert Form. En super forme. Il est con ce Draco, un humour de merde.
Il fait encore jour, donc l’humoriste aux dents longues devait encore être abrité dans la voiture. Mais le soleil décline rapidement. La fin approche.

  • Mais maman pourquoi moi ? Et c’est quoi cet Esperanza ? Et ton Hubert c’est qui ? Tu as un amant, c’est ça ? Pourquoi tu ne m’en as pas parlé ?
Et lui c’est l’agneau. L’agneau du Sacrifice. On en revient encore et toujours à l’Esperanza. La base Esperanza en Antarctique et ce que les argentins y ont découvert.

Van Helsing est prêt. Il va bondir. Mais quelque chose l’arrête. Une clé. Autour du cou d’une des 3 vielles succubes. Une clé qu’il ne connaît que trop bien. Une clé qu’il croyait détruite. Elle était trop loin, mais il savait qu’elle inscription y était gravée.

Une autre voix s’élève du van. Une voix grave et suave. Une voix qu’il connaît aussi bien que la clé et qu’il espérait ne plus jamais attendre.

  • Bonjour, mon ami. Tu as tardé cette fois, il faut croire que les ans t’ont finalement rattrapé. Monte, que j’en juge par moi-même, nous allions justement partir pour Esperanza.


Et merde !

samedi 18 octobre 2014

En malle close Chapitre 10, par Frédéric

Alphonse Frasier est dans une mauvaise posture. Le voilà prisonnier de sa tendre maman et de ses complices échapper d’une clinique gériatrique sous acide. L’histoire s’emballe, le complice mystérieux n’a toujours pas dévoilé son visage. Qu’ont-ils bien pu inventer? Certes je ne sais pas tout de la vie de ma mère, mais je suis son fils quand même, comment a-t-elle pu en arriver à cette extrémité?

Alphonse sort de sa songeuse brume et remarque que les libidineuses copines de sa maman s’avancent vers lui tel le loup dans le petit chaperon rouge, montrant les dentiers luisants, avec des vêtements qui ne lui appartiennent pas.

« — Dites donc les filles, c’est quoi ce costume? Vous m’emmenez danser au bal d’Halloween?

— Tais-toi morveux, c’est pas le moment de nous énervés, sinon tu vas souffrir. » Souffle l’une d’elles dans l’espace de son dentier brillant.

« — Tient toi sage, nous n’en avons pas pour longtemps mon grand, si tu ne restes pas calme, tu vas goûter à un de mes Témesta je te préviens. » Susurra l’autre avec malice.

Faut dire que j’aurais dû m’inquiéter plus que je ne l’ai fait quand j’y repense. J’ai été beaucoup trop gentil avec ces dames, que voulez-vous, faiblesse de la politesse de mon éducation face à ces vieilles biques. Quand on a le respect des anciens, il faudrait y mettre une limite.

Là, je me retrouve affublé d’un uniforme qui me permet juste de me rendre compte que l’homme que je remplace a une carrure plus large que la mienne, mais aucun signe distinctif, pas de noms, rien, aucun indice. Bizarre, et me voilà en route pour je ne sais quelle destination, enfermer dans ce maudit coffre. J’ai gagné ma journée, tu parles d’un congé. Alors évidemment ça n’a pas été sans mal encore que pour leurs âges, j’aurai cru ces vipères moins capables de m’embarquer comme elles l’ont fait.

L’ombre, celui que j’imagine être un homme ne s’est mis en mouvement qu’une fois le coffre refermer alors ma piste d’indices est fine, très fine.

« Oh!! Bordel, eh les anciens!!!! vous pouvez pas prendre les virages un peu moins secs là!?!!?? »

Incroyable ça, elles ont trouvé un véhicule, j’hallucine, ça va faire bientôt vingt minutes que j’essaye de défaire mes liens et que l’on tourne dans toutes les directions et……
« PpPpPppRrrRrooôoueeêêeettttttt!! »

« Dit donc jeune homme un peu de retenu hein!!! Et puis c’est quoi cette odeur?? Qu’est-ce que tu lui as donné à manger à ton fils, Rosy?!?? » Beugla Clothilde.

« — Oh ça va les viocs!!!! Si on peut même plus péter tranquille!! Toute façon chez moi c’est comme ça qu’ça s’passe, les clandos qui peuvent pas payer le loyer c’est la porte!!! Dehors!! Oust les clodos!!! 

— La politesse se perd chez les jeunes, il n’y a plus de respect. Acquiesça recta Jacqueline.

— À qui le dit tu Jacqueline, j’ai tant fait pour ce maraud et regarde le remerciement! Lança d’une voix plaintive Rosy.

— Et c’est reparti!! Les trois commères et leur litanie, et gnagnagna le respect, et gnagnagna j’appellerais bien la police et gnagnagna discours de viocs! Vieilles viocs!! Sales viocs pourquoi vous m’avez embarqué comme ça dans votre aventure a deux balles??!!!! Là on fait moins les malines hein?? Il est où votre pote là??!!! Il est au volant hein, alors y a plus personne pour me faire taire hein???!!!!! Alors!!??? Vous allez répondre oui??!!!!!! »

Alphonse éclata en sanglot dans la grosse boite qu’il secouait de moins en moins tellement il venait de se fatiguer à essayer de l’ouvrir. Il est sur le point de craquer, ses nerfs le lâchent. Le véhicule freine… Pas un bruit, la porte s’ouvre d’un bruit très sec, on sent presque l’énervement dans le geste du chauffeur qui vient de rejoindre les vieilles dames à l’arrière de la camionnette.

« — Nous sommes arrivés mesdames, que décidez-vous? Allons-nous jusqu’au bout de l’histoire?? Il est encore temps de faire marche arrière, certes à l’Esperanza ils s’en rendront compte, mais nous pouvons encore nous raviser et partir loin d’ici. Vous savez tous trois ce que je pense de cette histoire, n’est-ce pas??! Dit la voix grave aux trois femmes.

— Nous n’avons quand même pas fait tous ces efforts pour si peu, nous devons finir le travail, les filles!! S’exclama Jacqueline

— Qu’en pensez-vous? S’excita Clothilde.

— Nous n’avons pas vraiment le choix, il faut que nous nous décidions, Hubert a droit aussi à la liberté. Souffla Rosy.

— Hubert??!!!! C’est qui ce Hubert!!!????? hein, c’est qui lui!!??? Maman??!!!! Maman, tu es là???

— Chuttt Alphonse, reste calme, sinon je demande à Hubert de s’occuper de te faire taire, tu m’as compris mon garçon? Dit d’un ton sec et ferme Rosy.

— Mais maman, pourquoi moi? Et c’est quoi cet Esperanza?? Et ton Hubert c’est qui??? Tu as un amant, c’est ça?? Pourquoi tu ne m’en as pas parlé???? S’essouffla Alphonse.


vendredi 17 octobre 2014

Le coffre de mes lamentations, Chapitre 9 par Dame Laurence

… Et tous chantent d’un bel ensemble : « Happy Birthday to youuu, happy birthday to youuuu !!!!”

« Allez, souffle tes bougies, Alphonse !  C’est un grand jour ! Un jour d’espérance ! », Renchérit ma mère.

Elle se fout de moi ou quoi ? C’est quoi ce gâteau en forme de coffre ? Et ces multiples bougies à l’allure de clés plantés dessus ? Un canular d’un goût douteux, c’est sûr, d’autant que des yeux de fouine au sourire lubrique me scrutent avec avidité et que des mains déformées cherchent à s’emparer de moi. J’ai tout l’air d’un dessert face à son regard affamé !

Merde, où suis-je ? Suis-je en train de rêver ce jour de congé ordinaire métamorphosé en journée cauchemardesque ? Un mal de crâne épouvantable émerge, lancinant et enserre mes tempes. Je ne sais pas si je dois ouvrir les yeux ou les garder fermés. Mon indécision vient sans doute des mains qui évaluent mon corps étendu avec un peu trop d’insistance. Je vais entrouvrir les yeux lentement, sans précipitation. A peine un rai de lumière derrière mes paupières pour juger de la situation et les refermer aussi secs au moindre truc louche. J’en ai soupé des coffres et autres mamies infernales pour le restant de mes jours !

    Je crois qu’il reprend connaissance… prononce une voix.

    Ah ben, à le palper ainsi y a pas à dire, ça réveille ! ricane une seconde voix.

Oh mon Dieu ! Penchées toutes deux sur moi, Jacqueline et Clothilde me dévisagent derrière leurs lunettes, un sourire avenant sur leurs lèvres mais je vois bien leurs prunelles suspicieuses qui me considèrent. Mon cœur fait un bond terrible dans ma poitrine à la différence de mon corps que je peux à peine bouger. Effaré, je constate que je me trouve pieds et poings liés, allongé sur le sol bétonné du garage de ma mère. Tant bien que mal je cherche à me relever.

    Tout doux, mon mignon, laisse-moi faire, susurre la voix de Clotilde.

Avec une force surprenante pour son âge avancé, elle me redresse et me traîne jusqu’au coffre contre lequel elle m’adosse. Ce dernier, bien qu’ouvert à présent, trône toujours au centre du garage. Je n’ose regarder vers la gauche là où la présence d’une troisième personne se profile… L’ombre sortie du coffre ?

    N’aie pas peur mon grand, on ne va pas rester longtemps… tiens, pour passer le temps que dirais-tu de faire des mots fléchés ? ajoute Jacqueline.

Je déglutis, peinant à retrouver un souffle mesuré tant la peur suinte par tous mes pores. Jamais je n’ai transpiré autant de ma vie, mes vêtements collent à ma peau, la moiteur dégage l’effroi qui me tient, je brûle de désir d’un verre single malt et d’une cigarette… Non ! Pas d’une cigarette, surtout pas ! Elle signerait celle du condamné.

Les deux vieilles ont rejoint l’ombre sortie du coffre. Celle-ci arpente maintenant le fond du garage. Elle parait nerveuse, ses yeux reviennent sans cesse vers moi. Quoique efflanquée  je me demande comment un tel gabarit a pu rester des heures, voire des jours, qui sait, coincé dans cette malle. Toutes trois parlementent tout bas en jetant des regards méfiants dans ma direction et j’ose leur sourire, le visage baigné d’innocence, à prier intérieurement que Rosy débarque et me sorte de là. 

« Maman, tu ne peux pas avoir de telles amies, des canailles à la solde de truands, prêtes à me lyncher si je deviens trop curieux ! Maman, pourquoi t’es jamais là quand j’ai vraiment besoin de toi !»

Je souhaite me faire tout petit, ne pas faire de vague, attendre sagement que ces trois là finissent par partir. Ils ne vont pas rester dans ce garage jusqu’à demain, non ? Je vais prendre mon mal en patience, ne pas paraître angoissé face aux malheurs qui m’accablent depuis le matin. Alors pourquoi tout à coup  me suis-je mis à pousser un hurlement? Peut-être une overdose de peur, la nécessité de lâcher la tension qui m’habite ? Toujours est-il qu’une agressivité féroce, incontrôlable et soudaine s’exprime alors. Un formidable élan de rébellion à l’intention de ceux qui ont décidé de foutre en l’air ma précieuse journée de congé. Pris d’une fureur justifiée, je beugle vers le duo gérontophile et l’ombre filiforme :

    Mais que se passe-t-il bordel ? Que me voulez-vous ? Détachez-moi de suite !

    Faites le taire sinon je m’en charge ! invective l’ombre d’une voix impatiente.

Celle-ci n’a pas été haussée mais le ton menaçant n’incite pas à protester une nouvelle fois sur ma condition de prisonnier. Plus de doute possible l’ombre est bien celle d’un homme. Celui dont parle le journal ? Je n’en suis pas certain et pour tout dire je n’ai pas très envie de savoir. Il parait en proie à des tourments, quelque peu irrité par le tour que prennent les événements.  J’entends quelques brides, des mots déjà entendus depuis ce matin comme « clé », « porte », « Esperanza » mais aucun qui me ferait comprendre la situation insensée dans laquelle je me trouve.

A  la vue des deux mamies qui reviennent vers moi, je rentre aussitôt dans ma coquille, avec toutefois le geste apaisant, malgré mes poignets liés, de calmer l’exaspération qui s’affiche sur leurs traits.

    Qu’est-ce qu’on fait de lui ? demande Clothilde.

Mon baromètre de frayeur atteint le maximum toléré. Je tremble de tous mes membres, pauvre carcasse jeté en pâture face au destin qui semble soudain vouloir jouer sa partie sans moi.

     Non ! je bafouille au bord de la panique, c’est moi qui l’ai libéré, je suis la clé…

    Je suggère qu’il prenne la place de l’autre. Tu en penses quoi, Clodie ? réplique Jacqueline en tapotant le coffre d’une main amicale.



mercredi 15 octobre 2014

Le coffre est ouvert Chapitre 8, par neo


Pris de panique, je courus devant moi sans réfléchir. Je risquai à chaque pas de glisser, tant le crachin avait imbibé le trottoir. Mon sang bouillonnait, mes tempes dansaient la samba, mes yeux voulaient s’échapper de leurs orbites. Après un temps indéfini, je m’arrêtai sous un platane, tentai de reprendre ma respiration ; mes esprits.

Analysons la situation !
Un coffre mystérieux qui paraît très ancien m’a été livré, je n’en connais pas la raison véritable. Un mot me conduit dans un jardin d’enfants. En guise d’enfants, je rencontre deux mémés foldingues de mots croisés et accessoirement de mon corps, Jacqueline et Clotilde ! En fouillant sous leur banc, dans une position que je qualifierai de grotesque, je tombe sur une tige avec cette inscription : « Cette clé scella bien des destins. Ouvre la porte et libère-les. » Je suis bien avancé !
Ma mother rapplique.
Elle connaît l’objet, puisque je l’entends marmonner : « Bien sûr cette clé n’ouvre point le coffre puisqu’elle ouvre la porte de l’Éspéranza ».
C’est quoi l’Éspéranza ?
Cerise aigre sur le gâteau pourri de ma journée de merde, j’apprends que Jacqueline et Clotilde sont amies avec Rosy, ma mère. Elles se radinent à la maison, et en plus, ont l’intention de porter plainte pour s’être soi-disant fait agresser par un pervers. En l’occurrence, moi.
Mais dans quel monde vivons-nous !
Je m’éclipse préventivement. Courageux l’Alphonse, mais pas téméraire. Je reviens sur le lieu de la honte et je trouve une autre clé en espérant qu’elle correspondra à la serrure. De retour à la maison, plus de mère plus de grand-mères : le désert ! La malle s’est fait la malle ! Comment ?
Je suis sûr que maman me cache des trucs ! Je fonce chez elle. J’actionne sa serrure avec une des clés trouvées sous le banc des mamie’s. Pourquoi ?
J’y retrouve ce damné coffiot ! Comment s’est-il transporté là ? En outre, dans le garage, je repère des dizaines de clés sagement alignées sur leur présentoir. M’man a acheté une panoplie complète du p’tit serrurier en herbe ?
Je n’arrive pas à venir à bout de cette maudite caisse antique ! Quand je tape dessus pour évacuer ma rage, y a cette musique qui se déclenche et ce bruit bizarre…
Si je m’appelais Alphonse Brown, je me dirais que shooté à la mongolienne, je finirais par me réveiller de ce very bad trip avec un maous mal de crâne... Mais moi, mon nom c’est Alphonse Fraser, et c’est pas quelques lampées de sky et deux trois taffes de tabac qui vont me faire voir la vie en scope géant sur le mur blanc de mes absences.

Pff… Voilà, j’avais résumé la situation et mon souffle était revenu. Mes idées, quoique rassemblées dans un ordre cohérent, ne m’avaient pas aiguillées sur la voie d’une explication plausible. J’en retirai un sacré paquet d’interrogations, et je ne captai pas le moindre début de commencement, d’amorçage, d’esquisse d’embryon de compréhension ! Réflexion faite, j’avais tout de même pigé qu’un détail clochait. Quand je me remémorai la conversation de Rosy avec le binôme des bas varices, curieusement, elle avait perdu son accent sudiste ! Ses « eu » ne ponctuaient pas ses fins de phras… eu… Sa voix n’était pas tout à fait la même d’ailleurs ! Enfin, il m’avait semblé.
Et cette musiquette qui s’était échappée de la boîte ? Farfelue, aux vues des circonstances : « Happy birthday to you… happy birthday to you… », alors que ce n’était pas mon anniversaire ! Quant au grattement sinistre qui m’a fait sursauter. Comme si quelqu’un, ou quelque chose désirait sortir !

Alphonse ! Ressaisis-toi mon garçon. Tout ça doit avoir une explication logique.

Par chance, je réalisai que j’étais à deux pas chez moi. Dans la panique, les jambes avaient retrouvé toutes seules le chemin du bercail. J’étais décidé à employer la manière forte. Je descendis à la cave à la recherche d’un outil. Après quelques minutes de fouilles, je récupérai un pied-de-biche, en fait une pince à décoffrer qu’un copain artisan avait oubliée. Je repartis au pas de course vers l’énigmatique malle, en dissimulant du mieux possible mon accessoire, que j’avais empaqueté dans du papier journal.

Toujours pas âme qui vive chez m’man, ou celle qui se faisait passer pour elle. Je filai dans le garage. J’entendis encore le même air, mais plus faiblement. Par contre, les grattouillements s’étaient intensifiés.
Muni de la pince à décoffrer, je m’attaquai à l’objet de mon ressentiment, au truc qui m’avait pourri mon jour de congé ! Cela faisait une éternité que je n’avais pas transpiré comme cela.
Un moment, je fus tenté par une bonne petite blonde comme je les aime : fraîches, lumineuses, pas trop amères, des bulles fines et une mousse nacrée. Mais voilà que des coups étaient assénés, maintenant ! Il fallait faire vite !
Après un ultime effort.
CRAAAAC !
Je me débarrassai de mon « passe-partout » en le jetant derrière moi. Ce que je vis me terrifia. Je reculai et trébucha sur mon outil. Salto arrière et réception sur la tête. Entre deux eaux, je discernai une ombre qui s’extrayait de la boîte. Elle s’approcha du pied-de-biche.
Je vais mourir, je pensai.
L’ombre ne me calcula même pas. Elle parut s’intéresser à la feuille de chou qui m’avait servi d’emballage. Elle déplia la double page. À la une, je distinguai vaguement un gros titre.
« Évasion de la prison de l’Éspéranza ! La police court après le fugitif. »

Ce fut mon dernier souvenir. Je sombrai dans une sorte d’inconscience, peuplée de mamies armées jusqu’aux « fausses » dents. Elles défonçaient le portail d’une prison à coup de bélier, puis libéraient des détenus dont le destin avait été scellé entre quatre murs…

dimanche 12 octobre 2014

La fuite, chapitre 7 par Thierry Tougeron

Il n’en fallait pas plus pour que je prenne une décision radicale. Clotilde et Jacqueline étaient sans doute délicieuses et je n’avais rien mis sous ma dent depuis un bon mois... mais quand même, pousser les limites jusqu’au quatrième âge! De toute façon, je n’avais pas de mots fléchés ou de scrabble dans mon appartement. En revanche, j’avais bien la cerise sur le gâteau : ma mère.

Les pas se faisaient de plus en plus proches, sur le palier et ma mère était dans la cuisine à préparer du thé aux mûres sauvages pour ses comparses. Lorsque la sonnette retentit, je dis simplement :

— Maman, je vais aux toilettes, tu peux ouvrir à ces deux personnes?

— Mais oui mon chéri! Je te l’assure, elles sont poursuivies par un maniaque... Cette société se dégrade. Quand je pense que tu t’es remis à fumer et qu’en plus tu prends des verres avec de l’alcool fort. Tu ferais bien de te méfier, ça va te mener aux drogues douces. Ton pauvre père se retournerait dans sa tombe. Et tu sais parfaitement que les drogues douces mènent aux drogues dures.

Tout en étant dans sa logorrhée verbale, elle ouvrit la porte pour accueillir les deux vieilles dames qui ne pouvaient rien dire, Maman parlant encore et encore.

— Quelle joie de faire votre connaissance, Madame Fraser! Nous avons beaucoup entendu parler de vous et de ce coffre que votre fils a dû recevoir ce matin.

— Comment êtes-vous au courant? Ce n’est pas possible, mon fils! Dans quoi s’est-il encore engagé? Alphonse? Alphonse? Alphonse!

Je n’entendais bien sûr plus rien depuis quelques secondes. J’étais passé par le vasistas de mes toilettes, bien pratique pour s’échapper sans éveiller les soupçons. Je pouvais y descendre.

Je ne comprenais plus rien. Les vieilles semblaient parfaitement au courant et ma mère en savait plus qu’elle ne voulait le dire. Il fallait immédiatement que je retourne vers ce jardin d’enfants pour vérifier si une autre clé ne s’y trouvait pas.

Après quelques minutes de marche, je me retrouvais pour la deuxième fois dans la journée, cette maudite journée qui devait être la mienne, dans ce parc avec les mères qui me reconnurent. Elles semblaient outrées par mon comportement et certaines dégainèrent leur téléphone portable pour appeler sans doute la police. Je bondis rapidement vers le fameux banc et alors que je fouillais fébrilement, je découvris une autre clé... Pas le temps de souffler, la police montée à pieds me courait déjà après. Il ne fut pas difficile de les semer dans ce quartier que je connaissais comme ma poche.

Dans mon appartement déserté, plus aucun bruit, mais plus de malle et plus de clé! Comment avaient-elles fait pour transporter ce mastodonte malgré leur âge? Je pris par réflexe le combiné pour appeler ma mère... Puis je me ravisais, pensant que cette histoire devenait complètement folle, que je devais rêver, que je n’étais tout de même pas sujet aux délires, que je n’étais quand même pas surveillé par les services secrets, qu’elles n’avaient pas pu piéger mon téléphone... Le bruit sec du plastique dur et orangé sur le plancher flottant me réveilla.

— Il faut que je réfléchisse rapidement. Mais chut, je ne dois pas penser à voix haute. Je suis certainement écouté aussi.

Après avoir rassemblé quelques affaires, je pris la nouvelle clé, la clé de mon appartement et la clé de la maison de ma mère. Décidément, c’était une journée de congé à clés. Arrivé chez ma mère, je fis le tour pour vérifier que personne n’était à l’intérieur. Je me décidais à entrer et sortis de ma poche sans même regarder la clé pour ouvrir la porte. Quelle ne fut pas ma stupéfaction lorsque je m’aperçus que j’avais ouvert la maison de ma mère avec la clé découverte dans le square!

Personne.

Je visitais rapidement les lieux et je trouvais enfin le coffre dans le garage. Au mur, sur un établi, je fus rapidement pris de tremblements au moment de voir les centaines de clés disposées sur les emplacements normalement réservés aux outils. Comment faire pour trouver la solution? Je me précipitais comme un fou sur le coffre et tentais vainement d’utiliser la clé pour l’ouvrir. De rage, je donnais de coups de pied à la volée, pensais à y mettre le feu.

C’est alors qu’une musique se déclencha dans le coffre et qu’un bruit me fit sursauter. Je pris de nouveau mes jambes à mon cou.


mardi 7 octobre 2014

Le messager de mon désespoir, Chapitre 6 par Dame Madeline


Midi dix. Dire qu’elle devait être tranquille ma journée ! Il me reste dix petites minutes de calme avant que la tempête ne s’invite dans la pièce. D’ailleurs le vent s’est levé.  Au travers de la vitre les feuilles mordorées tourbillonnent en tornades dans une sérénade au tempo allegro. Je monte le verre à mes lèvres, la clope entre les doigts et tandis que le whisky me fouette le fond de la gorge, je rassemble mes esprits. Devant moi, la vieille tige en argent étire ses dix centimètres comme une provocation à remuer mes méninges. Les rayons du soleil septembral s’invitent sur le panneton comme pour mieux présenter la finesse de l’ouvrage, sculpté de la main de ceux qui jadis avaient le temps. Je prends une deuxième gorgée. La meilleure. Celle qui revigore les neurones. Mon regard passe du coffre à la clé, de la clé au coffre. Ce n’est pas le bon instrument. Bien trop large, trop grand et argenté pour pouvoir s’insérer dans les deux petites serrures en laiton qui ornent la malle en bois. Je m’affale davantage sur les bourrelets en cuir de mon Chesterfield brun, effondré à l’idée de peut-être devoir affronter à nouveau Jackie et Clodie pour trouver la bonne clé. Midi quinze. Ma mère sera là dans cinq minutes. Je l’aime, ma mère. C’est juste qu’elle est envahissante, étourdissante et épuisante comme une mère monoparentale ultra-protectrice. Qui sait ? Sans-doute saura-t-elle m’aider. Au point où j’en suis, je peux bien supporter son couplet sur tous les sacrifices et puis sa litanie sur l’abandon de mon père. Juste que Putain, je voulais être tranquille aujourd’hui ! Je bois d’un trait le reste de mon whisky et me dépêche de prendre quelques taffes avant que la mère supérieure ne s’en aperçoive. Deux minutes. J’écrase ma clope dans le cendrier et je me précipite pour ouvrir la fenêtre en gesticulant pour chasser l’odeur du tabac encore chaud. Une pluie fine commence à tomber. Je regarde le salon. Merde. Une chaussure qui traîne. Je fous un grand coup de pied dedans pour l’envoyer valser sous le canapé quand j’entends des pas s’affairer sur le perron. À peine le temps d’atteindre la porte que celle-ci s’ouvre en grand sur le visage décidé de ma mère bien-aimée.

     Titounet ! Quel temps ! L’hiver sera bientôt là !

     M’man. Tu exagères toujours. C’est une petite pluie fine. Pas de quoi fouetter un chat !

     Tu ne m’invit-eu-s  pas à rentrer ? Dit-elle en plein milieu de la pièce en m’étouffant de sa poitrine opulente en guise de bonjour.

Ma mère fait traîner ses « e » en fin de phrases comme les gens du Sud qui savourent les lettres de chaque mot. Elle me tend son imperméable, son chapeau et son parapluie pour que je les suspende au-dessus de la baignoire afin de les faire sécher. Lorsque je reviens de la salle de bains, je la vois en train de fermer la fenêtre.

     Non, mais tu veux ma mort, mon fils ! Ouvri-reu la fenêt-reu par un temps pareil ! Mais c’est quoi cette odeur ? Tu t’es remis à fumer ! Non, mais quel-leu déception ! Tu n’as pas de plomb dans le crâ-neu , aucu-neu volonté ! Tu vas mourir avant ta mère si tu continues com-meu ça !! Mais qu’ai-je fait au ciel ? Tu dois respecter la vie, mon fils ! prend-reu soin de toi et prend-reu soin de moi, comme j’ai fait quand ton père Diego est parti ! Tu me dois bien ça dit, mon petit !

     M’man, c’est juste une toute petite cigarette !

     Et ce verre, c’est quoi ? Tu n’es pas al-leu-co-li-queux au moins ? Seigneur, Jésus, Marie, Joseph !!! Aidez-nous.

      Je suis stressé par ce coffre, expliqué-je en me rasseyant.

     Ah oui le coffre, fait-elle en détaillant l’immense malle qui trône au milieu de la pièce. Elle tourne autour, de ses petits pas résolus. Soudain, son regard se fige en reconnaissant la clé. Elle s’en saisit et constate tout haut « Bien sûr cette clé n’ouvre point le coffre puisqu’elle ouvre la porte de l’Éspéranza ». .S’apercevant qu’elle en a trop dit, elle me fixe pendant deux secondes.

     Tiens-toi droit, ta colonne ! On dirait un vieux puceau constipé devant la boîte de Pandore !

Je me redresse tout de suite, vexé qu’elle me traite de vieux. J’essaye d’en placer une, mais elle semble partie dans une tirade telle que tout effort est vain. Elle change de sujet.

     J’ai rencontré en chemin deux de mes ami-eus qui s’en allaient au pos-teu de police-eu. Figure-eu-toi qu’il leur est arrivé une mésaventu-reu fort désagréable-eu. Elles étaient tranquil-leu-ment en train de faire leurs mots croisés au jardin d’enfants lorsqu’un igno-bleu pervers les a harcelé.

Je me mets à déglutir. Je voudrais hurler pour ne pas entendre la suite.

     Elles sont parties lancer un avis de recherche. Des malades, je te dis ! Cette ville est pleine de prédateurs ! Mais ne t’inquiè-teu pas. Tu vas voir mon chéri, Claudine et Jacqueline sont délicieuses. Je leur ai proposé de venir me rejoind-reu ici pour se remett-reu de leurs émotions. D’ailleurs, je les entends dans l’allé-eu.


Mon sang ne fait qu’un tour. Harceler ? Et puis quoi encore ? Ce sont elles les malades ! Il faut les enfermer ! J’entends leurs pas. Merde. Merde. Comment je vais faire ?