Pris
de panique, je courus devant moi sans réfléchir. Je risquai à chaque pas de
glisser, tant le crachin avait imbibé le trottoir. Mon sang bouillonnait, mes
tempes dansaient la samba, mes yeux voulaient s’échapper de leurs orbites.
Après un temps indéfini, je m’arrêtai sous un platane, tentai de reprendre ma
respiration ; mes esprits.
Analysons
la situation !
Un
coffre mystérieux qui paraît très ancien m’a été livré, je n’en connais pas la
raison véritable. Un mot me conduit dans un jardin d’enfants. En guise
d’enfants, je rencontre deux mémés foldingues de mots croisés et accessoirement
de mon corps, Jacqueline et Clotilde ! En fouillant sous leur banc, dans
une position que je qualifierai de grotesque, je tombe sur une tige avec cette
inscription : « Cette clé scella bien des destins. Ouvre la porte et
libère-les. » Je suis bien avancé !
Ma
mother rapplique.
Elle
connaît l’objet, puisque je l’entends marmonner : « Bien sûr cette
clé n’ouvre point le coffre puisqu’elle ouvre la porte de l’Éspéranza ».
C’est
quoi l’Éspéranza ?
Cerise
aigre sur le gâteau pourri de ma journée de merde, j’apprends que Jacqueline et
Clotilde sont amies avec Rosy, ma mère. Elles se radinent à la maison, et en
plus, ont l’intention de porter plainte pour s’être soi-disant fait agresser
par un pervers. En l’occurrence, moi.
Mais
dans quel monde vivons-nous !
Je
m’éclipse préventivement. Courageux l’Alphonse, mais pas téméraire. Je reviens sur
le lieu de la honte et je trouve une autre clé en espérant qu’elle correspondra
à la serrure. De retour à la maison, plus de mère plus de grand-mères : le
désert ! La malle s’est fait la malle ! Comment ?
Je
suis sûr que maman me cache des trucs ! Je fonce chez elle. J’actionne sa
serrure avec une des clés trouvées sous le banc des mamie’s. Pourquoi ?
J’y
retrouve ce damné coffiot ! Comment s’est-il transporté là ? En
outre, dans le garage, je repère des dizaines de clés sagement alignées sur
leur présentoir. M’man a acheté une panoplie complète du p’tit serrurier en
herbe ?
Je
n’arrive pas à venir à bout de cette maudite caisse antique ! Quand je
tape dessus pour évacuer ma rage, y a cette musique qui se déclenche et ce
bruit bizarre…
Si
je m’appelais Alphonse Brown, je me dirais que shooté à la mongolienne, je
finirais par me réveiller de ce very bad
trip avec un maous mal de crâne... Mais moi, mon nom c’est Alphonse
Fraser, et c’est pas quelques lampées de sky
et deux trois taffes de tabac qui vont me faire voir la vie en scope géant sur
le mur blanc de mes absences.
Pff…
Voilà, j’avais résumé la situation et mon souffle était revenu. Mes idées,
quoique rassemblées dans un ordre cohérent, ne m’avaient pas aiguillées sur la
voie d’une explication plausible. J’en retirai un sacré paquet
d’interrogations, et je ne captai pas le moindre début de commencement,
d’amorçage, d’esquisse d’embryon de compréhension ! Réflexion faite, j’avais
tout de même pigé qu’un détail clochait. Quand je me remémorai la conversation
de Rosy avec le binôme des bas varices, curieusement, elle avait perdu son accent sudiste !
Ses « eu » ne ponctuaient pas ses fins de phras… eu… Sa voix n’était
pas tout à fait la même d’ailleurs ! Enfin, il m’avait semblé.
Et
cette musiquette qui s’était échappée de la boîte ? Farfelue, aux vues des
circonstances : « Happy birthday to you… happy birthday to
you… », alors que ce n’était pas mon anniversaire ! Quant au grattement
sinistre qui m’a fait sursauter. Comme si quelqu’un, ou quelque chose désirait
sortir !
Alphonse !
Ressaisis-toi mon garçon. Tout ça doit avoir une explication logique.
Par
chance, je réalisai que j’étais à deux pas chez moi. Dans la panique, les
jambes avaient retrouvé toutes seules le chemin du bercail. J’étais décidé à employer
la manière forte. Je descendis à la cave à la recherche d’un outil. Après
quelques minutes de fouilles, je récupérai un pied-de-biche, en fait une pince
à décoffrer qu’un copain artisan avait oubliée. Je repartis au pas de course
vers l’énigmatique malle, en dissimulant du mieux possible mon accessoire, que
j’avais empaqueté dans du papier journal.
Toujours
pas âme qui vive chez m’man, ou celle qui se faisait passer pour elle. Je filai
dans le garage. J’entendis encore le même air, mais plus faiblement. Par
contre, les grattouillements s’étaient intensifiés.
Muni
de la pince à décoffrer, je m’attaquai à l’objet de mon ressentiment, au truc
qui m’avait pourri mon jour de congé ! Cela faisait une éternité que je
n’avais pas transpiré comme cela.
Un
moment, je fus tenté par une bonne petite blonde comme je les aime : fraîches,
lumineuses, pas trop amères, des bulles fines et une mousse nacrée. Mais voilà
que des coups étaient assénés, maintenant ! Il fallait faire vite !
Après
un ultime effort.
CRAAAAC !
Je
me débarrassai de mon « passe-partout » en le jetant derrière moi. Ce
que je vis me terrifia. Je reculai et trébucha sur mon outil. Salto arrière et
réception sur la tête. Entre deux eaux, je discernai une ombre qui s’extrayait
de la boîte. Elle s’approcha du pied-de-biche.
Je vais mourir, je pensai.
L’ombre
ne me calcula même pas. Elle parut s’intéresser à la feuille de chou qui
m’avait servi d’emballage. Elle déplia la double page. À la une, je distinguai
vaguement un gros titre.
« Évasion
de la prison de l’Éspéranza ! La police court après le fugitif. »
Ce
fut mon dernier souvenir. Je sombrai dans une sorte d’inconscience, peuplée de
mamies armées jusqu’aux « fausses » dents. Elles défonçaient le
portail d’une prison à coup de bélier, puis libéraient des détenus dont le
destin avait été scellé entre quatre murs…
Oh la la ! voilà que cette histoire prend un tour tout à fait inattendu. On apprend beaucoup de choses dans cet épisode, tu as bien rempli ton office. Bravo. :-)
RépondreSupprimerMerci Aubree, j'avais envie de l'ouvrir de damné coffre ! :)
RépondreSupprimertour de passe passe et repasse! Moi aussi j'avais bien envie de le faire sauter ce coffre... mais c'est la cervelle d'Alphonse qui saute
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