vendredi 3 octobre 2014

Le banc de mes attentes, chapitre 3 par Java

Voilà autre chose. J’avais une malle sans propriétaire, je me retrouve maintenant avec un poète refoulé qui m’impose un jeu de piste qui plus est, versifié. J’appelle la police, les renseignements généraux, Colombo, Maigret ? Je la prends en photo la malle, je la mets sur le bon coin et je retourne me coucher ? Profiter de mon précieux jour sans... sans obligations, sans questionnements, sans emmerdes quoi.

J’appelle ma mère ? Ma mère a toujours une réponse pour tout.

-M’man, j’ai un truc au milieu de mon salon déjà pas très grand, ce truc rend ses proportions encore plus réduites et me fout ma journée en l’air juste en étant là immobile, silencieux, paisible, imposant et problématique. Je fais quoi m’man?

-Tu téléphones à la poste mon chéri.

Non ce n’est pas une bonne idée, surtout depuis qu’elle vote à droite.

-Tu comprends mon chéri, ces fonctionnaires, on a plus les moyens de les payer, surtout pour ce qu’ils foutent.

Bon, je relis le bout de papier déplié, hésitant, l’idée d’affronter ce jour gris et maussade ne m’enchante guère... Allez, une clope, je la fume et je me décide. Je prends toujours le temps de la pose tabac avant de me lancer, de prendre une décision qui va m’entraîner hors des limites que je me donne quotidiennement. Heureusement que je ne vapote pas, ça durerai, je me connais.

Il y en a qui comptent, mais ils finissent par déborder, c’est le propre du temps il s’étire avec les nombres, si t’as prévu de compter jusqu’à 30 à 27 tu es déjà à 27 1⁄4, 27 1⁄2, 27 3⁄4 tu passes à 27 4/5eme, 6/10eme. Avec la cigarette quand elle est écrasée, le temps imparti est écoulé. Faut y aller. Sinon faut fumer le filtre et c’est dégueulasse. En fait mes grandes décisions reposent au goût du filtre calciné. C’est con.

Pendant que je tire sur mon cylindre de papier, je regarde l’objet, il est de bonne facture et en très bon état sans être neuf. Il vaut sans doute son pesant de cacahuètes. Celui ou celle qui me l’a envoyé ne l’a pas fait dans le but de me faire une blague, je connais peu de gens autour de moi capables d’investir la somme que vaut sans doute ce coffre juste pour rigoler et me gâcher ma journée.

Dernière taffe... Je prends ma veste imperméable, il manquerait plus que je me prenne en plus la flotte et que j’attrape la crève... ça aussi c’est m’man, - t’oublies pas ton écharpe mon chéri

- Mais maman il fait quinze degrés

- On est jamais trop prudent, et puis elle n’est pas encombrante.

Maintenant j’ai pris le pli, je prends un imper même si le temps n’est pas à la pluie, j’ai abandonné le parapluie, j’avais l’air ridicule quand le ciel n’était pas nuageux. Les clés, la porte. Me voilà dehors, direction le jardin d’enfants.

Rue de Sambre et Meuse, Je coupe par le passage de Verdun, je retrouve la rue du devoir et là au bout la place de la Marseillaise et le jardin d’enfants. C’est vendredi heureusement, le lieu est quasiment vide. En tous cas il n’est pas occupé par des braillards cherchant une autonomie relative au milieu de mamans les surveillant comme le lait sur le feu.

Le troisième banc est pris, deux mamies y campent occupées à faire des mots croisés et à comparer leurs définitions, à moins que ce ne soit des sudokus Assis en face, je tente un regard rasant entre les jambes gainées de bas à phlébites à la recherche d’un objet brillant, quelque chose qui ressemblerait à une clé. Je suis trop loin. Mais ma présence n’est pas passée inaperçue et ma recherche oculaire non plus, j’ai très vite quatre yeux derrière des lunettes bon marché qui me scrutent des pieds à la tête, ça discute bas, ça spécule. Pour finir j’ai droit à deux sourires engageants comme une invite à me joindre à
leurs recherches lettriques.


Cinq minutes plus tard, je suis occupé à chercher « stations de monte et d’étalons en cinq lettres » avec Jacqueline et Clotilde. Elles ont sorti le café en thermos et les chouquettes, et chacune y va de sa solution en glissant au passage des souvenirs communs aux deux filles.

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