Voilà
autre chose. J’avais une malle sans propriétaire, je me retrouve
maintenant avec un poète
refoulé qui m’impose un jeu de piste qui plus est, versifié.
J’appelle la police, les renseignements généraux, Colombo,
Maigret ? Je la prends en photo la malle, je la mets sur le bon coin
et je retourne me coucher ? Profiter de mon précieux jour sans...
sans obligations, sans questionnements, sans emmerdes quoi.
J’appelle
ma mère ? Ma mère a toujours une réponse pour tout.
-M’man,
j’ai un truc au milieu de mon salon déjà pas très grand, ce truc
rend ses proportions encore plus réduites et me fout ma journée en
l’air juste en étant là immobile, silencieux, paisible, imposant
et problématique. Je fais quoi m’man?
-Tu
téléphones à la poste mon chéri.
Non
ce n’est pas une bonne idée, surtout depuis qu’elle vote à
droite.
-Tu
comprends mon chéri, ces fonctionnaires, on a plus les moyens de les
payer, surtout pour ce qu’ils foutent.
Bon,
je relis le bout de papier déplié, hésitant, l’idée d’affronter
ce jour gris et maussade ne m’enchante guère... Allez, une clope,
je la fume et je me décide. Je prends toujours le temps de la pose
tabac avant de me lancer, de prendre une décision qui va m’entraîner
hors des limites que je me donne quotidiennement. Heureusement que je
ne vapote pas, ça durerai, je me connais.
Il y
en a qui comptent, mais ils finissent par déborder, c’est le
propre du temps il s’étire avec les nombres, si t’as prévu de
compter jusqu’à 30 à 27 tu es déjà à 27 1⁄4, 27 1⁄2, 27
3⁄4 tu passes à 27 4/5eme, 6/10eme. Avec la cigarette quand elle
est écrasée, le temps imparti est écoulé. Faut y aller. Sinon
faut fumer le filtre et c’est dégueulasse. En fait mes grandes
décisions reposent au goût du filtre calciné. C’est con.
Pendant
que je tire sur mon cylindre de papier, je regarde l’objet, il est
de bonne facture et en très bon état sans être neuf. Il vaut sans
doute son pesant de cacahuètes. Celui ou celle qui me l’a envoyé
ne l’a pas fait dans le but de me faire une blague, je connais peu
de gens autour de moi capables d’investir la somme que vaut sans
doute ce coffre juste pour rigoler et me gâcher ma journée.
Dernière
taffe... Je prends ma veste imperméable, il manquerait plus que je
me prenne en plus la flotte et que j’attrape la crève... ça aussi
c’est m’man, - t’oublies pas ton écharpe mon chéri
-
Mais maman il fait quinze degrés
- On
est jamais trop prudent, et puis elle n’est pas encombrante.
Maintenant
j’ai pris le pli, je prends un imper même si le temps n’est pas
à la pluie, j’ai abandonné le parapluie, j’avais l’air
ridicule quand le ciel n’était pas nuageux. Les clés, la porte.
Me voilà dehors, direction le jardin d’enfants.
Rue
de Sambre et Meuse, Je coupe par le passage de Verdun, je retrouve la
rue du devoir et là au bout la place de la Marseillaise et le jardin
d’enfants. C’est vendredi heureusement, le lieu est quasiment
vide. En tous cas il n’est pas occupé par des braillards cherchant
une autonomie relative au milieu de mamans les surveillant comme le
lait sur le feu.
Le
troisième banc est pris, deux mamies y campent occupées à faire
des mots croisés et à comparer leurs définitions, à moins que ce
ne soit des sudokus Assis en face, je tente un regard rasant entre
les jambes gainées de bas à phlébites à la recherche d’un objet
brillant, quelque chose qui ressemblerait à une clé. Je suis trop
loin. Mais ma présence n’est pas passée inaperçue et ma
recherche oculaire non plus, j’ai très vite quatre yeux derrière
des lunettes bon marché qui me scrutent des pieds à la tête, ça
discute bas, ça spécule. Pour finir j’ai droit à deux sourires
engageants comme une invite à me joindre à
leurs
recherches lettriques.
Cinq
minutes plus tard, je suis occupé à chercher « stations de monte
et d’étalons en cinq lettres » avec Jacqueline et Clotilde. Elles
ont sorti le café en thermos et les chouquettes, et chacune y va de
sa solution en glissant au passage des souvenirs communs aux deux
filles.
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