dimanche 19 octobre 2014

De malle en pis, Chapitre 11 par Darklulu

 La piste, obtenue grâce à une employée de la poste désabusée et bavarde, est ténue. Si ténue, même, qu’elle ne mérite pas le nom de piste. Pourtant elle l’a mené là. Ici et maintenant.

Les montagnes des Carpates sont un lointain souvenir. Les caves de Budapest : oubliées depuis longtemps. Les bas-fonds de la Nouvelle-Orléans : un détail dans son histoire. Son destin, il allait l’affronter dans un bled paumé au milieu de nulle part. Franchement, le chef décorateur aurait pu faire un effort. Plus qu’à espérer que quand ils feront un film de cette histoire, ils soient plus inspirés…

Pendant qu’il faisait la queue à la Poste pour toucher sa retraite, la fille de l’accueil avait parlé d’un coffre reçu par un client qui n’en voulait pas.

« Les gens commandent n’importe quoi sur internet, et après, c’est nous qui essuyons les plâtres. Quoi ? Monsieur, vous voyez bien que je suis occupée, là, non ? Vos timbres ne vont pas s’envoler si vous attendez 5 minutes, si ? C’est pour votre retraite. Ben c’est pareil. Elle est au chaud, et elle craint moins ici que dans votre poche. Ah, le service public ! Autrefois, les gens avaient du respect pour nous, et maintenant… Une malle ! Quelle idée d’aller commander une malle. Un site chinois, ça, j’en suis, sûre ! Une arnaque, le pauvre gars à dû voir son compte virer par un pirate à Tokyo. Ah bon ? Tokyo c’est au japon ? Enfin, c’est asiatique pareil, hein. Tout ça c’est bonnet blanc et blanc bonnet… »

Son grand âge lui permet d’avoir du recul sur les situations qu’il rencontre, et les actes qu’il est amené à commettre. Et l’avait empêché d’étrangler la postière juste pour interrompre son verbiage incessant. Mais ça avait été de justesse. Il se fait vieux, et sa patience a des limites bien mieux définies qu’autrefois.

Mais cette fois, c’est l’acte final. La scène qui verrait le rideau tomber définitivement sur la vie qui ne voulait pas finir de Van Helsing. Plusieurs vies d’hommes pour chasser un démon, un non-mort qui s’abreuve des vivants. Il en a plus qu’assez. Son temps est révolu depuis longtemps, et sa place est entre les lignes des livres d’Histoire.

Mais il lui reste une dernière chose à faire. La seule qui puisse lui apporter le repos. Et, accessoirement, l’absolution de l’éternité. Il se maudit de ne l’avoir pas fait plus tôt. Sa miséricorde est devenue sa damnation. Il aurait pu en finir il y a des années. Mais son bras vengeur était resté suspendu, le pieu à quelques centimètres du cœur du mal. Incapable qu’il avait été d’aller plus loin.

Sur le moment, le coffre avait paru une bonne idée. Les protections adéquates, les mécaniques et les magiques, la bénédiction du Vatican. Enfin tout l’attirail à même de maintenir un vampire dans une malle jusqu’à la fin des temps. Katrina avait fait bien plus de dégâts que ne le croyaient la plupart des mortels. Si l’ouragan avait enfermée dans le bayou bien des secrets, il en avait déterré un. Le pire de tous.

Et là-dessus, le drame de l’Esperanza, et ce qu’il avait déclenché.

Il n’y avait plus qu’un seul espoir. Deux en faits se corrige-t-il mentalement.
Soit le coffre n’a pas encore été ouvert. Soit il l’a été avec la clé Unique sur laquelle il est inscrit « cette clé scella bien des destins. Ouvre la porte et libère-les »

Van Helsing l’avait conçue comme l’ultime rempart. Si le coffre est ouvert avec cette clé, ce qui se passerait alors ferait passer l’apocalypse pour une brise d’été. Si seulement il l’avait conservée au lieu de la détruire… vu l’état du bordel mondial, une remise à zéro était peut-être la solution. A croire que l’autre là-haut a pris des vacances pour une durée indéterminée. Enfin, cela ne sera bientôt plus son problème.

Dans sa poche, quelque chose vibre. Il sort son téléphone, un Iphone 5S 16 Mo, édition limitée presbytère. Pas d’appel, pas de SMS. Il sort son crucifix, un avé Pater 3G avec 32 Mo d’eau bénite et 48 heures d’autonomie en prière, et aussitôt, ce dernier pointe en direction d’un véhicule stationné sur le bas côté de la route. C’est une fourgonnette. Autour d’elle, s’agitent 3 dames d’un certain âge, mais leurs attitudes déclenchent chez lui des signaux d’alerte.

Des succubes !

Merde ! Qu’est ce qu’il me fait le père Draco, là ? Il recrute à la maison du repos du vieux gland ou quoi ? J’aurais dû me douter que le jeunot qui y anime les soirées était dans le coup !

Mode furtif activé. Passage en revue de l’inventaire.
Épée de jets d'ail . Check !
Gourde d’eau Bénite. Check !
Crucifix ninja. Check !
Lampe à UV. Check !
Bible 2.0 build 666. Check !
CD de Céline Dion. Check !

Il se rapproche comme si de rien n’était, mêlé à la foule, quidam comme un autre. Il est maintenant assez proche pour entendre ce qui se dit.

  • Hubert ! C’est qui ce Hubert, hein, c’est qui lui ! Maman ? Maman, tu es là.
La voix est étouffée. Pas seulement parce qu’elle vient de l’intérieur de la camionnette. Il semble il y avoir une couche supplémentaire. Comme si elle provenait de l’intérieur d’un… coffre en bois.

Aïe ! Ca pue, ça !

  • Chut Alphonse, reste calme, sinon je demande à Hubert de s’occuper de te faire taire, tu m’as compris mon garçon ?
Van Helsing a de moins en moins de doute sur la véritable identité de cet Hubert. En fait c’est une identité d’emprunt que prenait souvent Dracula à l’époque, comme un clin d’œil à son ennemi juré. Hanz-Hubert Form. En super forme. Il est con ce Draco, un humour de merde.
Il fait encore jour, donc l’humoriste aux dents longues devait encore être abrité dans la voiture. Mais le soleil décline rapidement. La fin approche.

  • Mais maman pourquoi moi ? Et c’est quoi cet Esperanza ? Et ton Hubert c’est qui ? Tu as un amant, c’est ça ? Pourquoi tu ne m’en as pas parlé ?
Et lui c’est l’agneau. L’agneau du Sacrifice. On en revient encore et toujours à l’Esperanza. La base Esperanza en Antarctique et ce que les argentins y ont découvert.

Van Helsing est prêt. Il va bondir. Mais quelque chose l’arrête. Une clé. Autour du cou d’une des 3 vielles succubes. Une clé qu’il ne connaît que trop bien. Une clé qu’il croyait détruite. Elle était trop loin, mais il savait qu’elle inscription y était gravée.

Une autre voix s’élève du van. Une voix grave et suave. Une voix qu’il connaît aussi bien que la clé et qu’il espérait ne plus jamais attendre.

  • Bonjour, mon ami. Tu as tardé cette fois, il faut croire que les ans t’ont finalement rattrapé. Monte, que j’en juge par moi-même, nous allions justement partir pour Esperanza.


Et merde !

3 commentaires:

  1. Ah, ah… génial ! ça part dans un sens très particulier, mais Jésus Hans Hubert Form. Juste une précision, en théorie et d'après le protocole le pieu est planté dans une jambe et une pierre est insérée sans la bouche :)

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  2. Tu sais, moi et le protocole... ;-)

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  3. Un épisode vraiment génial, j'suis d'accord. Quel tournant ! ;-)

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