dimanche 12 octobre 2014

La fuite, chapitre 7 par Thierry Tougeron

Il n’en fallait pas plus pour que je prenne une décision radicale. Clotilde et Jacqueline étaient sans doute délicieuses et je n’avais rien mis sous ma dent depuis un bon mois... mais quand même, pousser les limites jusqu’au quatrième âge! De toute façon, je n’avais pas de mots fléchés ou de scrabble dans mon appartement. En revanche, j’avais bien la cerise sur le gâteau : ma mère.

Les pas se faisaient de plus en plus proches, sur le palier et ma mère était dans la cuisine à préparer du thé aux mûres sauvages pour ses comparses. Lorsque la sonnette retentit, je dis simplement :

— Maman, je vais aux toilettes, tu peux ouvrir à ces deux personnes?

— Mais oui mon chéri! Je te l’assure, elles sont poursuivies par un maniaque... Cette société se dégrade. Quand je pense que tu t’es remis à fumer et qu’en plus tu prends des verres avec de l’alcool fort. Tu ferais bien de te méfier, ça va te mener aux drogues douces. Ton pauvre père se retournerait dans sa tombe. Et tu sais parfaitement que les drogues douces mènent aux drogues dures.

Tout en étant dans sa logorrhée verbale, elle ouvrit la porte pour accueillir les deux vieilles dames qui ne pouvaient rien dire, Maman parlant encore et encore.

— Quelle joie de faire votre connaissance, Madame Fraser! Nous avons beaucoup entendu parler de vous et de ce coffre que votre fils a dû recevoir ce matin.

— Comment êtes-vous au courant? Ce n’est pas possible, mon fils! Dans quoi s’est-il encore engagé? Alphonse? Alphonse? Alphonse!

Je n’entendais bien sûr plus rien depuis quelques secondes. J’étais passé par le vasistas de mes toilettes, bien pratique pour s’échapper sans éveiller les soupçons. Je pouvais y descendre.

Je ne comprenais plus rien. Les vieilles semblaient parfaitement au courant et ma mère en savait plus qu’elle ne voulait le dire. Il fallait immédiatement que je retourne vers ce jardin d’enfants pour vérifier si une autre clé ne s’y trouvait pas.

Après quelques minutes de marche, je me retrouvais pour la deuxième fois dans la journée, cette maudite journée qui devait être la mienne, dans ce parc avec les mères qui me reconnurent. Elles semblaient outrées par mon comportement et certaines dégainèrent leur téléphone portable pour appeler sans doute la police. Je bondis rapidement vers le fameux banc et alors que je fouillais fébrilement, je découvris une autre clé... Pas le temps de souffler, la police montée à pieds me courait déjà après. Il ne fut pas difficile de les semer dans ce quartier que je connaissais comme ma poche.

Dans mon appartement déserté, plus aucun bruit, mais plus de malle et plus de clé! Comment avaient-elles fait pour transporter ce mastodonte malgré leur âge? Je pris par réflexe le combiné pour appeler ma mère... Puis je me ravisais, pensant que cette histoire devenait complètement folle, que je devais rêver, que je n’étais tout de même pas sujet aux délires, que je n’étais quand même pas surveillé par les services secrets, qu’elles n’avaient pas pu piéger mon téléphone... Le bruit sec du plastique dur et orangé sur le plancher flottant me réveilla.

— Il faut que je réfléchisse rapidement. Mais chut, je ne dois pas penser à voix haute. Je suis certainement écouté aussi.

Après avoir rassemblé quelques affaires, je pris la nouvelle clé, la clé de mon appartement et la clé de la maison de ma mère. Décidément, c’était une journée de congé à clés. Arrivé chez ma mère, je fis le tour pour vérifier que personne n’était à l’intérieur. Je me décidais à entrer et sortis de ma poche sans même regarder la clé pour ouvrir la porte. Quelle ne fut pas ma stupéfaction lorsque je m’aperçus que j’avais ouvert la maison de ma mère avec la clé découverte dans le square!

Personne.

Je visitais rapidement les lieux et je trouvais enfin le coffre dans le garage. Au mur, sur un établi, je fus rapidement pris de tremblements au moment de voir les centaines de clés disposées sur les emplacements normalement réservés aux outils. Comment faire pour trouver la solution? Je me précipitais comme un fou sur le coffre et tentais vainement d’utiliser la clé pour l’ouvrir. De rage, je donnais de coups de pied à la volée, pensais à y mettre le feu.

C’est alors qu’une musique se déclencha dans le coffre et qu’un bruit me fit sursauter. Je pris de nouveau mes jambes à mon cou.


3 commentaires:

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  2. Tiens, j'avais lu dans le premier chapitre qu'Alphonse Fraser habitait dans une maison ? Mathieu se chargera de rétablir la cohérence du récit à la fin de tous les chapitres :)

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  3. OH OOOH... Très bon tout ça et ça tient en haleine. Je cours lire neo. :-)

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