mercredi 22 octobre 2014

Sais-tu qui tu es, Chapitre 12 par Dame Laurence

Le coffre est ouvert. Van Helsing n’a eu aucun mal à convaincre Draco d’ouvrir la malle. Le gamin n’aurait pas tenu plus longtemps enfermé dans la malle avec toutes les protections magiques qui abondent. Il aurait fini par exploser et ça aurait fait tache. Il a vraiment l’intention de l’utiliser ce pauvre mortel. Belle offrande que voilà ! Un bougre d’imbécile tout de même que cet Alphonse ! C’est pas Dieu possible autrement pour finir sa journée sur l’autel des sacrifices ! Quelle poisse !

La fatigue des longs siècles passés, l’amertume d’avoir raté l’occasion d’en finir depuis longtemps avec ce damné de Transylvanie décourage un moment Helsing. La fourgonnette empeste les relents diaboliques mêlés à celle d’une transpiration abondante, sueur d’effroi et d’épouvante légitime. Le vampire séculaire a repris le volant, les succubes  se chamaillent le droit d’être à son côté. Van Helsing regarde le jeune homme dont les yeux affolés considèrent le trio des succubes à l’avant. Une formulation muette se forme sur ses lèvres : «  Maman ? » comprend-t-il, mais il n’ose pas plus, bien conscient de vivre un cauchemar éveillé.

    T’en fais pas petit, je vais te sortir de là !

Je dévisage le vieux qui se présente à moi : « Van Helsing, me dit-il d’une voix posée et sûre d’elle. » C’est quoi ce nom de héros fatigué ? Ça me rappelle vaguement quelque chose mais j’ai beau cherché pas moyen de savoir où j’ai déjà entendu ce nom.

Me sortir de là ? Il rêve éveillé le vioque ! Je vais crever, oui ! Et sans rien comprendre à cette histoire dans laquelle je me trouve mêlé bien malgré moi ! Je n’ai plus aucun doute, je vis mes dernières heures dans une camionnette qui file à bonne allure vers une destination pour le moins nébuleuse mais néanmoins récurrente. J’ai l’impression de ne rien entendre d’autre depuis ce matin que cet « Esperanza » de malheur ! Je suis mort de trouille, j’ai mal partout, comme si l’on m’avait roué de coup tant mes muscles sont tendus à l’extrême. Mes yeux reviennent sans cesse sur le conducteur et ses passagères. Celui-ci dégage une aura de confiance qui me terrorise. Le seul regard qu’il m’a lancé, une fois le coffre ouvert reste gravé dans ma tête. Un regard de convoitise dont je ne veux surtout pas comprendre le sens. Je nage en plein film d’horreur.

Van Helsing, affable, me tend une cigarette bienvenue. Malgré mes liens, je m’en empare avec avidité. Une première bouffée salvatrice et réconfortante allège un instant la terreur qui m’habite.

« Ecoute petit, il ne nous reste pas beaucoup de temps. Alors pas de panique, hein ? Tu vas gentiment me laisser faire et ne pas broncher, OK ? J’ai ici tout ce qu’il faut pour parer au plus presser.»

Discrètement il ouvre le revers de son long manteau d’où surgit un attirail digne de films de série Z, où tous les gadgets que l’on préconise pour faire face aux vampires sont rassemblés. Plus rien ne m’étonne cela dit, vous comprenez aisément pourquoi, non ?

J’ai toutefois une moue incrédule à la vue du CD.

    Vous vous foutez de moi, là ? je réplique en le désignant d’un geste malhabile.
    Du tout ! Tu n’imagines pas le service que cette fille nous a rendu le jour où elle s’est mise à chanter. C’est mon arme ultime, je t’assure ! dit-il avec le plus grand sérieux.

La fourgonnette est suffisamment bruyante pour que nous puissions converser en toute discrétion, d’autant que les trois vieilles chantonnent une rengaine agaçante qui semble les ravir. Même Hubert, réjoui de les entendre, dodeline de la tête en cadence. « Enfin libéré ! Enfin libéré ! Enfin libéré !...» scandent-t-elles avec jubilation.

J’ai envie d’une autre cigarette mais je ne veux pas interrompre les réflexions dans lesquelles le vieil homme est plongé. Ça cogite dur, on dirait. Un court instant je me surprends à espérer que tout n’est peut-être pas encore joué.

    Dis-moi, sais-tu comment le coffre a été ouvert ? demande le vieux au bout d’un moment.

Par le menu je lui raconte tout depuis le début, comment en cette heureuse matinée de congé je me suis retrouvé avec ce maudit coffre sur les bras, le coup de téléphone qui a suivi, et cette voix inconnue qui me souhaitait bonne chance, la sortie au parc, les vieilles biques et la première clé et ma mère qui n’est pas ma mère et le retour au parc et la découverte de la deuxième clé qui ouvre sa maison, la musique et le grattement sinistre, et mon courage pour ouvrir cette malle et mon kidnapping ...

J’ai la gorge sèche, j’ai tout déballé avec précipitation de peur de ne pas en avoir le temps, je me dis que si je raconte tout, je vais me réveiller, enfin !

    Voilà qui est intéressant ! s’exclame Helsing, un éclair de vivacité dans les yeux.
    Quoi ? Qu’est ce qui est intéressant ? je demande.
    Le coup de téléphone reçu après la réception du colis… répond-t-il en réfléchissant. Et tu dis que tu as ouvert le coffre juste avec une pince à décoffrer ?
    Euh, oui…
    J’en ai vu des choses dans ma vie, crois-moi, mais là, ce n’est pas banal, non vraiment pas banal…
    Quoi ? je répète, Soyez plus clair à la fin, je  ne comprends rien à ce que vous me dites !
Un sourire bizarre s’affiche sur ses lèvres. Un sourire un peu surpris et soulagé en même temps.
    Sais-tu qui tu es mon garçon ?



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