samedi 27 décembre 2014

Le mal l'a pris, chapitre 20 par Dame Magali

Alphonse avait répété cette scène une centaine de fois, l’une des plus importantes du scénario, celle-là même qui devait faire de ce film une légende… Le texte avait été travaillé avec finesse, mais c’est dans la gestuelle que le spectateur devait être embarqué. L’acteur s’approchait de ses partenaires avec une assurance, et une prestance que seules des heures de maquillage pouvaient rendre possibles. Les fumigènes actionnés donnaient un ton lugubre à cet épisode. Le plateau décoré par des professionnels de haut rang n’avait rien à envier à ceux de l’industrie américaine. Tous les ingrédients étaient rassemblés pour faire de ce final un grand moment de cinéma.

Alors, qu’il s’apprêtait à prononcer son dialogue, il ressentit une vague de froid pénétrer son corps, de l’épiderme jusqu’aux plus profonds de ses os, un fluide glacial pris possession de tout son être. Il laissa une force invisible l’aspirer en arrière, son corps physique devenu d’une lourdeur extrême se détachait de son esprit. Sans qu’il ne soit en mesure de lutter, il se retrouva projeté à quelques mètres de là.

La surprise laissa place à l’angoisse. Il flottait au-dessus de cette enveloppe charnelle qui ne lui appartenait plus. Condamné à observer une scène qu’il ne maîtrisait pas, l’acteur devenu spectateur se mit à interpeler en hurlant ses collègues, sa mère. Aucune réaction en guise de réponse, il comprit que ses paroles n’arriveraient pas jusqu’à eux.

Il entendit une voix venue de nulle part lui susurrer avec une jubilation diabolique :

À jouer avec le feu, tu t’es brûlé les ailes.

Alphonse assista impuissant au jeu d’acteur de son corps récitant son texte avec une intonation plus vraie que nature. Les intentions proférées, la violence des mots, la posture, ne lui laissait rien présager de bon. La peur pénétra son cœur avec ravissement.

Même les techniciens étaient captivés devant un tel professionnalisme, décidément Alphonse n’avait pas fini de les impressionner. Sa mère à moitié folle avait bien fait d’insister pour qu’il ait se rôle.

Le corps physique d’Alphonse saisit avec violence Hubert pétrifié de terreur, ses incisives plantées dans le cou laissèrent perler un peu de sang que Dracula s’empressa d’aspirer avec frénésie.

Alphonse compris immédiatement, que la réalité avait dépassé la fiction. Cette décorporation forcée dépassait l’entendement. Il tenta de s’interposer entre les deux acteurs, mais sans succès, ses mains d’avaient aucune prise. Il brassa de l’air jusqu’à l’épuisement sous le regard narquois de son propre corps physique habité par un être malfaisant. Aucun doute possible, l’Autre le voyait et s’amusait de son désespoir.

Lorsqu’on invoque Dracula, celui-ci renait et réapparait. Merci de me donner une nouvelle jeunesse.
Dracula s’adressa à Alphonse par télépathie rendant impossible l’écoute aux autres personnes présentes sur le plateau.

Dracula, mon corps est squatté par Dracula ! Je deviens fou !

1 commentaire:

  1. Merci Magalie de cet ultime (pour le moment) rebondissement.
    Aie aie aie !!! :-)
    affaire à suivre et... à finir. :-)

    RépondreSupprimer